Une place pour une séance

Les anthologies horrifiques sont très souvent inégales. Si l’on prend les films V/H/S ou encore Holidays, sans parler de la série Les Maîtres de l’horreur, quand il s’agit de regrouper plusieurs réalisateurs ensemble, le rendu est souvent… mitigé. C’est donc avec intrigue que j’ai lorgné sur Nightmare Cinema, une anthologie regroupant cinq réalisateurs possédant tout de même un certain talent. Présenté en première mondiale au Festival International du film Fantasia au Canada en 2018, le métrage n’a eu ensuite qu’une sortie limitée aux Etats-Unis en juin 2019. De plus, l’accent du film semble être mis sur le fait de nous présenter de véritables métrages horrifiques rendant hommage au cinéma d’épouvante d’une autre époque qui n’usait pas des jump scares à ne plus en pouvoir. Mais ce film est-il finalement un ersatz horrifique comme tant d’autres ? Mickey Rourke peut-il sauver tout ça ? Le cinéma, est-ce vraiment un cauchemar ? On paie son entrée et on se lance dans la critique.

Six personnes sans liens apparents se retrouvent, les unes après les autres, dans une salle de cinéma abandonnée pour voir un film terrifiant dans lequel elles endossent les rôles principaux. L’étrange projectionniste présent (Mickey Rourke) semble vouloir récupérer des âmes… et l’écran est le seul moyen d’y parvenir.

Difficile de faire un pitch précis de l’ensemble ; il est donc de bon aloi de voir ce que donnent les court-métrages présentés dans cette anthologie.

1er segment : The Thing in the Woods, d’Alejandro Brugués

Samantha (Sarah Whiters) est poursuivie dans les bois par un maniaque possédant un masque de soudeur. Elle parvient à regagner la cabane où elle et ses amis passaient un agréable week-end jusqu’à ce que tout parte en vrille. Se battant pour sa vie, elle va découvrir que le meurtrier n’est pas celui qu’elle pensait.

Officiant déjà sur un segment de ABC’s of Death 2 et ayant réalisé deux épisodes de la série Une nuit en enfer, Alejandro Brugués nous offre ici un bon premier segment. Avec ce qu’il faut de tripes, de délire visuel et de twist, on démarre cette anthologie avec une parodie de ce que l’on peut retrouver dans les slasher, cela en nous exposant le tout d’un nouveau point de vue. Rythmé, surprenant, voire drôle car ne se prenant manifestement pas au sérieux, je me dis que pour une fois, une anthologie démarre bien. Le tueur n’est pas sans rappeler un certain assassin dans le film des Nuls de 1994, La Cité de la peur.

Ça va couper, chérie !

2ème segment : Mirari, de Joe Dante

Anna (Zarah Mahler) a une cicatrice sur son visage et peine à croiser un miroir. Pourtant fiancée au beau gosse David (Mark Grossman), ce dernier lui propose de se rendre dans une clinique pour qu’elle puisse effacer cette blessure qui semble la troubler. Seulement, le Dr. Mirari (Richard Chamberlain) ainsi que le personnel qui prend en charge Anna ont un comportement des plus étranges.

Le réalisateur de Gremlins, L’aventure intérieure ou encore Hurlements est aux commandes de ce second segment. Même si ce dernier est intrigant et pose une certaine atmosphère que l’on pourrait qualifier d’anxiogène, le rendu global n’est pas forcément celui que l’on attendait. Malgré un final visuellement dérangeant, on a l’impression que le segment en lui-même n’apporte pas de pierre à l’édifice ; ni fun, ni surprise, ni réel intérêt horrifique. Le bandage que porte la pauvre Anna pendant une bonne partie du métrage m’a fait penser à l’épisode Mort clinique de la seconde saison de la série Les Maîtres de l’horreur. Sinon, peu à dire car c’est un segment assez faible.

Vous pouvez procéder à l’anesthésie.

3ème segment : Mashit, de Ryûhei Kitamura

Dans une école catholique pour filles, la jeune Dani (Stephanie Cood) et sa mère se retrouvent confrontées à un terrible démon nommé Mashit, prince de la luxure. C’est l’occasion pour le Père Benedict (Maurice Benard), bien que prompt à culbuter la Sœur Patricia (Mariela Garriga), de procéder à un petit exorcisme.

Après plusieurs long-métrages dont Midnight Meat Train en 2008, le réalisateur nous présente ici un segment… mitigé. Il est indéniable que ce court-métrage rend hommage au cinéma d’horreur italien des années 70, notamment grâce à sa photographie bien fichue et à son cadre religieux, cela sans compter sur un démon au design bien senti et apparaissant au moyen d’images subliminales. Le vrai problème serait plutôt dans le montage qui se veut relativement brouillon et sur une fin extrêmement convenue. Certes, l’idée des enfants tueurs nous donne droit à une scène osée durant laquelle le Padre va trancher à tout-va, mais cela ne suffit pas à sortir de ce segment en se disant « Purée, c’était vachement bien ! ». Dommage.

Et fermez l’accès au toit, bordel !

4ème segment : This Way To Egress, de David Slade

Helen (Elizabeth Reaser) se trouve dans la salle d’attente de son psy avec ses deux enfants. La réalité autour d’elle semble se détériorer et devenir cauchemardesque. Après un entretien avec son médecin, le Dr. Salvadore (Adam Godley), elle ne parvient plus à retrouver ses bambins. Elle se met à leur recherche alors que ses visions deviennent de plus en plus terrifiantes.

Voilà un bon segment ! Tout d’abord, tout est tourné en noir et blanc, approfondissant ainsi l’effet de mal-être et gratifiant nos petits yeux d’un design avec un rendu visuel magnifique. Ensuite, David Slade (Hard Candy, 30 jours de nuit) parvient à nous mettre mal à l’aise par son unique mise en scène et le rendu de cet univers terrifiant. Les personnes se transforment en monstres défigurés (possédant une étrange ressemblance avec les vampires dans le fameux 30 jours de nuit), une substance étrange suinte des murs et les toilettes semblent être cruellement bouchées. Tout cela nous emporte dans cette terrifiante aventure qui se termine sans une véritable explication. Et c’est là que le réalisateur fait très fort car le manque d’informations sur ce que vit Helen (interprétée magnifiquement par Elizabeth Reaser) ne gêne même pas, renforçant cette atmosphère malsaine. Magnifique !

Si vous voyez des trucs comme ça, consultez un psy.

5ème segment : Dead, de Mick Garris

Après son récital de piano, le jeune prodige Riley (Faly Rakotohavan) voit ses parents se faire assassiner sous ses yeux par un voleur de voiture. Seul survivant bien que gravement blessé, il passe dix-sept minutes dans l’au-delà pendant un arrêt cardiaque. Revenu à la vie, il peut maintenant voir les personnes décédées.

Mick Garris (qui réalise également le fil rouge principal The Projectionnist), habitué des épisodes de séries et des téléfilms (Désolation, Le Fléau) nous termine le film avec un segment certes convenu mais intelligent. La capacité nouvelle du jeune Riley de voir les morts nous renvoie à un certain Sixième sens mais cela ne dérange pas vraiment. L’enjeu est surtout celui de la présence du fantôme de sa mère et de l’envie du voleur de voiture de se venger. D’ailleurs, ce dernier est interprété par Orson Chaplin qui n’est personne d’autre que le petit-fils du célèbre Charlie Chaplin ! Le segment se termine comme on s’y attendait mais cela nous confirme que même quand nous pensons avoir gagné contre le mal… ce n’est que le commencement.

Dans ce genre de cas, il est préférable de consulter le psy Bruce Willis. 

Globalement, c’est une anthologie étonnamment équilibrée qui nous attend ici. Alors oui, Mashit arrive en dernière position et This Way To Egress est clairement d’un niveau supérieur, mais on passe un agréable moment horrifique dans une ambiance qui rappelle un peu les films de genre que l’on a pu connaître avant le millénial et ça, ça fait du bien.

J’ai été pourtant surpris que, malgré les réalisateurs présents pour cette anthologie, on se retrouve avec autant de reprises d’autres films, comme cela est mentionné dans les différents résumés ci-dessus. Malgré ces identifications filmiques, la mise en scène est pourtant bien différente et nous permet de passer outre cela pour profiter de ce qui nous est proposé.

A noter que le segment principal, The Projectionnist, met en vedette Mickey Rourke en mode « J’appuie sur le bouton pour lancer le film avec une veste en cuir ». Mais cela fait plaisir de le voir à l’écran et il a certainement la carrure pour devenir le plus « badass » des projectionnistes du monde. Les véritables raisons de sa présence dans le cinéma ainsi que la captation des âmes de ses victimes ne sont pas explicitement mentionnées, mais il fallait bien un fil rouge pour mener cette anthologie, non ?

Nightmare Cinema ne restera sans doute pas impérissable dans nos mémoires mais il permet de constater que les réalisateurs du domaine horrifique sont toujours bien présents et parviennent, envers et contre tout, à nous présenter du matériel sympathique. Drôle, prenant, angoissant, ce film est pour tous les amateurs d’horreur qui souhaitent retrouver leurs réalisateurs préférés ou pour passer un agréable moment sans avoir un jump scare qui vous bondit à la tronche toutes les deux secondes.

Pour moi, ce sera une boisson gazeuse et un paquet de pop-corn, s’il vous plaît.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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